"Sound and Vision" : press

La diversité joyeuse de Sound & Vision

au Théâtre des Amandiers

  
(...) trajectoire virtuose, impeccablement conduite par les acteurs d’une soirée dont la qualité et la diversité joyeuse resteront dans les mémoires.
RES MUSICA | 23.06.2017 | Par Michèle Tosi

Dans Sound & Vision, programmé dans le cadre de Manifeste au Théâtre des Amandiers, c’est le traitement de la lumière sur le corps musicien qui est à l’œuvre, donnant à voir ses multiples captures dans des contextes sonores sollicitant bien évidemment l’électricité. De petits tabourets de carton permettent aux spectateurs de modifier sotto voce leur position, chacun des douze numéros du spectacle offrant une disposition scénique singulière.

Le son résonne déjà dans la salle lorsqu’on y pénètre, avec le triangle d’Alvin Lucier et ses fluctuations de vitesse et de dynamique associés à la douce oscillation du tam-tam de James Tenney. Mais c’est avec la performance ludique autant que bruiteuse de Juliana Hodkinson (Lightness pour trois musiciens avec allumettes, papier de verre, sable et eau) que son et lumière commencent à interagir sous le geste en relais des trois partenaires. Dans Light Solo 1 et 2, l’énergie et les vibrations de la lumière via l’effet stroboscopique décomposent le geste de la danseuse et chorégraphe Ula Sickle dont la performance très extatique fascine le regard. De surprise en étonnement, le percussionniste Gerrit Nulens en solo exerce un geste quasi robotique sur son instrument dans 4cOst1ctr1g3r pour boîte à rythme et lumière de Kaj Duncan David, une oeuvre dont le titre ajoute à l’étrangeté du spectacle. Citons encore, dans cette manière ludique qui met tous les sens à l’affût, l’œuvre performance Sensate Focus où Alexander Schubert « écrit » l’image à l’égal du son, que sculpte à son tour l’électronique.

L’idée de confronter dans un espace aussi turbulent des musiques intimistes comme celles de Gérard Pesson et Salvatore Sciarrino semble relever du défi ! C’est sans compter avec la finesse de l’amplification qui capte les moindres détails et communique la charge émotive. Elle est à l’œuvre dans La lumière n’a pas de bras pour nous porter (Pesson) dont Jean-Luc Plouvier restitue avec autant d’élégance que d’énergie l’effet guiro (les ongles ou les doigts en glissando sur le clavier). Dans Tre Notturni Brillanti pour alto de Chiarrino, c’est un foisonnement de particules sonores microscopiques qui jaillit sous l’archet cursif de Jeroen Robbrecht, au plus près du « théâtre de l’intime » cher au compositeur italien. Exploitée dans toute sa capacité résonnante, la salle modulable des Amandiers s’avère l’espace de projection adéquat pour Digital, acmé sonore de la soirée. L’œuvre, écrite en 2003 par Franck Bedrossian, réunit contrebasse, percussion et électronique. Elle prend des allures de « forge » gigantesque via « l’artisanat furieux » de Florentin Ginot et Gerrit Nulens relayé par l’électronique. La matière hybridée et incandescente traverse des temporalités très contrastées et donne à entendre le phénomène saturé dans la richesse de ses composantes et l’inouï de ses couleurs, avec cette puissance du geste compositionnel que Bedrossian aime exalter jusqu’à la transe.

Le spectacle a sa coda, se jouant en extérieur, après l’ouverture aussi théâtrale qu’inattendue d’une des grandes portes de la salle. Dans la lumière du jour finissant et l’émotion indicible du plein air, trois interprètes font tourner au-dessus de leur tête des petits haut-parleurs en un geste magnifié par la magie des lumières et de l’électronique. Speaker Swinging de Gordon Monahan vient donc boucler cette trajectoire virtuose, impeccablement conduite par les acteurs d’une soirée dont la qualité et la diversité joyeuse resteront dans les mémoires.
   

   

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